Médiateurs de l'exposition d'Akemi Noguchi


Lundi 15 octobre : six étudiantes de MàNAA
présentent aux élèves de grande section
de l'école des Moissons de Vauréal, 
l'exposition du graveur japonais Akemi Noguchi,
à la Petite Galerie. 

 
 







 

Connaissez-vous le Japon ?

 





Comment graver...




La lune folle et À marée basse
Estampes d'Utamaro, fin XVIIIe siècle.




 

 


 

De retour à l'école, les écoliers
ont raconté leur "sortie au lycée Camille Claudel"...
 

Lecteurs d'Akira Mizubayashi


     Parcourant Une langue venue d'ailleurs, nous nous arrêtons sur un "souvenir-cicatrice" qui a meurtri l'auteur japonais Akira Mizubayashi, ce genre de lapsus qui résonne encore en soi... Puis chacun de nous cherche le souvenir d'un rapport singulier à la langue, qu'elle soit maternelle ou étrangère.


     "Un souvenir, c'est beaucoup dire, je dirais plutôt un manque de souvenir, je ne me souviens plus, je ne me souviens jamais. Alors j'invente ou je réinvente la langue française, pour qu'elle devienne ma langue." Camille Caillet

 
 

R.I.E.N

     "Depuis que j'ai appris à écrire, j'ai rencontré un problème, il s'agit de l'orthographe. Je suis une ancienne dyslexique. En CE1 ma maîtresse m'appelle à son bureau pour qu'on puisse parler de ma dernière dictée : il y a une faute qu'elle n'a pas saisie. Elle me montre l'intéressée. Je lis le mot "rien", ce simple mot où il n'y a aucun piège, et pourtant j'ai quand même réussi à mal l'orthographier. J'ai écrit R-I-E-N-D. Je me suis alors revue l'écrire pendant la dictée, et à ce moment-là pour moi il s'agissait d'un verbe ! J'ai conjugué le verbe riendre." Joanna Jameux
 
  

     "Il y a quelques années, en CM2, lorsque la maîtresse nous donna des sujets d'exposé à présenter à l'oral, je sentis monter en moi un sentiment de malaise, car j'étais très timide. Le travail de recherche terminé, ce fut, pour ma camarade et moi, le grand moment de passer au tableau.
     Dans la précipitation, une erreur s'était glissée dans notre texte, et c'était bien sûr à mon tour de lire... Au lieu de dire le mot "cahier", stressée, je lus bêtement l'erreur et prononçai "chier", devant toute la classe, qui se mit évidemment à rire. Je n'ai jamais eu aussi honte." Juliette Goulam
 
 

Française

 
     "Printemps 2011, il est huit heures du matin. Des dizaines de personnes attendent dans le couloir, certains révisent, d'autres se concentrent et font le vide dans leur esprit. Moi je me tiens debout face à la porte, j'ai peur et pourtant je connais mes textes. Quarante-deux textes lus, relus, appris et commentés, juste pour ce jour. Dix heures. Je suis la dernière de la liste de passage. Je connais mes textes. Je ferme les yeux et me concentre sur ma respiration. L'examinatrice m'appelle, je rentre dans donc dans la salle, et c'est là que tout commence. Le sujet, que je connais si bien, me devient étranger. Lorsqu'elle m'appelle à sa table, elle me demande de lire le texte, et les mots ne sortent plus, ou du moins ils sortent différemment. Face à mon désespoir, l'examinatrice me demande alors : mais êtes-vous vraiment française ?" Justine Vialle
 
 
     "C'était au collège, quand je commençais à dessiner des mangas, je ne m'intéressais pas à un autre aspect du Japon à ce moment-là. Une camarade d'origine japonaise me fit écouter une musique. C'était une musique douce, jouée au piano - la mélodie m'a complètement enchantée et c'est à partir de cet instant que j'ai voulu apprendre le japonais. La langue me parut si simple et douce, il y avait une harmonie parfaite entre les voix et le piano, j'en étais éblouie. Les voix qui chantaient en japonais me paraissaient fascinantes, je voulus comprendre et parler le japonais, pour prononcer d'aussi belles paroles." Septime Bassingha 
 
     "Au cours de mon premier voyage, seule à l'étranger, un incendie sur la voie contraint l'ensemble des voyageurs à s'arrêter à la gare de Franckfort. Aucune information ne nous fut apportée. J'étais perdue au milieu de ce paysage que je ne connaissais pas.
     Pour me sortir de cette situation délicate, je tentais alors de franchir, de briser, cette barrière de la langue, ou plutôt cette succession de voyelles et de consonnes qui mises dans cet ordre m'étaient totalement étrangères.
     À force d'effort et d'attention, elle me parut presque familière, c'était clair désormais, elle délivrait son sens dans son essence, dans ses envolées et ses éclats."  Anaïs Caulat
 
 

Crayon de papier

     "C'était en CP, nous étions tous assis à notre place habituelle, le silence régnait sur la classe. Chaque élève tenait un crayon de papier à la main, en écoutant attentivement les consignes de la maîtresse. L'exercice d'écriture commença et le stress s'installa peu à peu.
     C'était le jour le plus important de notre vie d'écolier. Nous voulions nous surpasser, nous voulions prouver que nous étions devenus grands.
     C'était pourtant un exercice qui ne nous était pas inconnu. Nous l'avions pratiqué tous les jours depuis des semaines. C'était presque devenu un jeu. Mais ce jour-là, le fait de recopier des lettres avait pris beaucoup d'importance, car juste avant de commencer, la maîtresse nous avait annoncé qu'à la fin de la journée, elle déterminerait qui pourrait écrire au stylo (comme les grands)." Cécilia Lourdes Maguimey


 
     "Je n'ai jamais aimé l'école avant le lycée, sûrement à cause des professeurs qui n'étaient pas tendres avec moi. Mais celle qui m'a le plus marquée est madame S***, professeur de français au lycée. Un jour ma trousse est tombée par terre, et là, elle me balance : "Anastazja, vous n'êtes pas encore femme de ménage." Je l'ai avoué il y a peu à ma mère." Anastazja Szuba
 
 

Nevertheless

 
    "Réfugiée dans la chambre apaisante et calme de ma soeur, elle assise en tailleur, moi allongée à ses côtés. Nous révisions ensemble les épreuves du bac depuis quelques jours. Son calme et son imperturbable concentration ma valurent d'étudier avec elle. En anglais, nous apprenions les mots de liaison par coeur, elle me trouvait des moyens mnémotechniques que j'approuvais tous sans exception. Nous les récitions tous, l'une à l'autre, plusieurs fois à la suite. Comme ce mot "nevertheless", qui commence par un "N" comme sa traduction, "néanmoins". Tellement facc=ile, tellement évident. "Nevertheless, néanmoins, nevrtheless, néanmoins...", répétait ma soeur en insistant sur les "N". Le jour du bac, j'étais fière d'avoir employé ce mot, je le rapportai à ma soeur : "j'ai utilisé "nevertheless" ! Ma phrase était semblable à quelque chose comme : les filles sont sorties en trombe, alors qu'il pleuvait depuis quelques secondes. Nevertheless.. alors que !"
     Mais comment ne m'en rappelai-je pas ? j'avais le sentiment d'avoir trahi ma jumelle, elle qui m'invitait chaleureusement dans son cocon pour m'aider. C'est ça, je l'avais trompée. À ce moment, je sentis la culpabilité monter en moi." Cassandre Jack
 
 

Peut-être

     "J'avais treize ans, je vivais avec mes parents et mes deux soeurs cadettes. Ma mère avait décidé d'engager une jeune fille au pair d'origine hispanique, pour nous apprendre à moi et mes soeurs les bases de l'espagnol.Wendy, jeune mexicaine, était arrivée chez nous et essayait d'apprendre le français à son ryhtme. Petit à petit, des mots ressemblant au français sortaient de sa bouche, cependant elle se trompait encore sur la prononciation. Quand on lui disait "peut-être", elle comprenait sa signification "puede ser", "quizàs", mais quand elle le répétait, cela sonnait plutôt comme "poutré". Ma famille et moi ne relevions pas, faute d'attention et n'ayant aps envie de la déstabiliser. Pendant presque six mois elle dit "poutré" à tout son entourage, elle nous avait même convertis. mais un soir, en rentrant des cours de français qu'elle suivait, elle nous demanda si "poutré" était un vrai mot. On lui expliqua que non et la cuisine fut envahie de rire." Mathilde Gignoux
 

Salud

 
     "Depuis que je suis arrivée en France, ma perception par rapport aux langues a changé. D'un coup je réfléchissais tout le temps pour utiliser des mots, ce n'était plus quelque chose d'automatique. Même, de temps en temps, je réfléchissais à propos de la pensée, les personnes qui m'entourent, pensent en français et moi je pense en espagnol. Il y a quelques jours, à l'abbaye de Maubuisson, j'ai éternué et Iris m'a dit "À tes souhaits !". Elle m'a alors demandé ce qu'on disait dans mon pays lorsque quelqu'un éternue : on dit "salud" (on prononce "saloud") et ça veut dire "santé" (et non "salut"). Les copains qui étaient là ont ri, parce que c'est quand même marrant de dire "Salut !" lorsque quelqu'un éternue... Alors à nouveau cette réflexion sur la langue revient en moi : même pour les blagues, il faut bien connaître les langues." Angela Martinez




     "Je ne me souviens pas d'une langue mais de quatre. Se mélangeant et cheminant difficilement les unes avec les autres, les unes contre les autres et parfois les une par-dessus les autres. Le tout parsemé de rires et sur fond musical. Espagnol, français, français, anglais, chinois, anglais, français à nouveau... Un Vénézuélien, un baroudeur, deux Bretons, une Taïwanaise et moi. de cet immense fatras linguistique ressort l'idée que même non maîtrisée, la langue, les mots font sens. Le monde s'éclaire lorsqu'on ouvr ela bouche. Telle personne passée inaperçue par sa maladresse s'illumine avec l'aisance et la fluidité de sa langue maternelle. Enrique n'osait pas, vivien et son frère ne savaient pas, Chu Ping suivait difficilement, Clément, le seul à l'aise, riait, et j'étais perdue. Affolée de tant de nouvelles possibilités. Découvrir une langue, c'est découvrir un monde, la comprendre et la maîtriser, c'est l'habiter. Ce jour-là j'ai vu beaucoup de paysages et je cherche toujours celui où m'établir, en m'imaginant bien, sil faut poser un pied, en poser un dans chaque pays." Solène Petit